Climat : après la France, l’Allemagne se retire à son tour du Traité sur la charte de l’énergie

All the versions of this article: [English] [français]

La Tribune | 12 novembre 2022

Climat : après la France, l’Allemagne se retire à son tour du Traité sur la charte de l’énergie

Après la France, l’Espagne et les Pays-Bas, le gouvernement allemand a annoncé à son tour sortir du Traité de la Charte de l’Energie (TCE). Cette convention vieille de 30 ans, est accusée d’entraver les ambitions climatiques. Le TCE avait été ratifié en 1994 par une cinquantaine de pays, dont ceux de l’ex-bloc soviétique, et visait à sécuriser l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest en énergies fossiles. Il permet aux géants de l’énergie de se retourner contre les États signataires du traité qui mèneraient des politiques climatiques défavorables à leurs investissements.

Les groupes parlementaires des partis membres de la coalition au pouvoir, les sociaux-démocrates, les Verts et les Libéraux, ont donné vendredi leur feu vert à cette sortie, proposée par le gouvernement. « Nous orientons de manière conséquente notre politique commerciale sur la protection du climat et en conséquence, nous souhaitons, comme nos partenaires européens, la France, les Pays-Bas, l’Espagne ou la Pologne, acter le retrait de l’Allemagne du TCE et dans le même temps ratifier l’accord CETA », ont déclaré les trois partis dans un communiqué.

Dans le même temps, les groupes parlementaires des partis membres de la coalition au pouvoir, les sociaux-démocrates, les Verts et les Libéraux ont donné leur accord à la ratification de l’accord commercial CETA avec le Canada. Le Traité sur la charte de l’énergie (TCE) était aussi considéré comme un obstacle à la ratification du traité CETA de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. La législation entérinant ces mesures devrait être présentée à la fin du mois devant le Bundestag, ont-ils précisé.

Le mois dernier, la France avait annoncé son retrait du TCE. « La France a décidé de se retirer du Traité sur la charte de l’énergie (...) C’est cohérent avec notre stratégie climatique européenne », avait déclaré le président français Emmanuel Macron en marge d’un sommet européen à Bruxelles. « Il ressort de plusieurs cas récents que (le TCE) conduisait à des mécanismes un peu spéculatifs et à des indemnisations importantes de certains acteurs » des énergies fossiles, avait observé le président français.

Cas emblématique : après l’adoption d’une loi néerlandaise bannissant le charbon d’ici 2030, l’énergéticien allemand RWE réclame 1,4 milliard d’euros à La Haye pour compenser ses pertes sur une centrale thermique. En septembre, l’Italie a été condamnée à verser une compensation de 180 millions d’euros à la compagnie pétrolière britannique Rockhopper, pour lui avoir refusé un permis de forage offshore. Des poursuites ont également été entamées contre la France par l’entreprise allemande Encavis AG à la suite de la modification des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque en 2020.

Face à la multiplication des contentieux, les Européens s’efforcent depuis 2020 de moderniser le texte. Un compromis visant à empêcher les réclamations frivoles ou opportunistes et à exclure du champ du traité - après une transition de 10 ans - les investissements déjà lancés dans les combustibles fossiles, a été trouvé en juin. Il devra être confirmé en novembre par un vote formel à l’unanimité. En juin, Yamina Saheb, économiste contributrice du rapport du Giec (experts climat de l’ONU), répertoriait 146 litiges liés au TCE, pour les deux tiers intra-européens, et les compensations accordées dépassent les 42 milliards d’euros.

Reste la question épineuse de la « clause de survie » du TCE pour protéger encore pendant 20 ans, après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité. Le Haut Conseil pour le Climat (HCC), instance consultative française, a recommandé de « neutraliser » cette clause pour éviter de prolonger de deux décennies les effets négatifs du traité.

La Russie s’est déjà retirée du traité en 2009, suivie de l’Italie en 2015. La Pologne a lancé une procédure parlementaire pour se retirer du TCE. Comme la France, et désormais l’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas ont annoncé vouloir sortir également du TCE, tout en appelant à « une sortie coordonnée » par l’ensemble des pays de l’UE.

(Avec AFP et Reuters)

source: La Tribune