Hespress | 9 novembre 2024
La SAMIR : cette éternelle épine dans le pied
par Mohamed Jaouad EL KANABI
La saga judiciaire entourant la Société anonyme marocaine de l’industrie du raffinage (SAMIR) continue de peser sur l’Exécutif marocain et de complexifier les perspectives énergétiques du Royaume.
Dernier développement en date, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a rejeté la demande de rectification formulée par Corral Morocco Holding, l’actionnaire principal de la raffinerie, pour la sentence rendue en juillet dernier.
Un revers judiciaire majeur
Corral Morocco Holding, la société de droit suédoise qui détient une participation prépondérante dans la SAMIR, espérait rectifier l’arrêt rendu par le CIRDI cet été. La sentence initiale avait déjà rejeté l’essentiel des demandes de l’entreprise, estimées à hauteur de 2,7 milliards de dollars, en les jugeant non fondées. Le rejet du recours marque ainsi un nouveau coup dur pour Corral et, de manière plus large, complique l’avenir de la raffinerie, dont l’arrêt des activités en 2015 avait plongé le secteur énergétique marocain dans une incertitude sans précédent.
La fermeture de la SAMIR, autrefois fleuron de l’industrie énergétique marocaine, continue d’étendre ses effets négatifs sur l’économie nationale. L’arrêt de la raffinerie a contribué à accroître la dépendance du Maroc vis-à-vis des importations de produits raffinés, exposant le pays aux fluctuations des cours mondiaux et fragilisant sa sécurité énergétique. Les difficultés judiciaires de Corral Morocco Holding ajoutent un poids supplémentaire à la délicate équation, freinant les espoirs de redressement rapide.
En juillet dernier, le tribunal arbitral n’avait accordé à la société du milliardaire Sheikh Mohammed Hussein Ali Al-Amoudi qu’une indemnisation de 150 millions de dollars, soit moins de 6 % du montant initialement réclamé par Corral. Cette réponse partielle du CIRDI est venue conforter la position marocaine, alors que les détails de la décision n’ont toujours pas été publiés.
Quel avenir pour la SAMIR ?
L’avenir de la raffinerie reste plus incertain que jamais. Avec le rejet de la demande de rectification par le CIRDI, la voie vers une solution amiable entre le gouvernement marocain et Corral semble de plus en plus obstruée. Certains analystes évoquent la possibilité d’une nationalisation partielle ou d’une reprise par un consortium international, mais les obstacles juridiques et financiers demeurent considérables.
Cette situation relance également le débat sur l’implication de l’État et le besoin pressant de solutions structurelles. La question de la SAMIR ne se limite pas qu’aux aspects économiques et juridiques, mais elle touche aussi au volet social et humain. En effet, il se murmure ça et là des débrayages dans les prochains jours. Cette mobilisation, selon les salariés et le syndicat, devrait inciter l’Exécutif à envisager des actions concrètes afin de réintégrer la raffinerie dans le paysage énergétique national.
Néanmoins, cette perspective dépend d’une série de facteurs, notamment la capacité du gouvernement à convaincre des partenaires étrangers et locaux de s’impliquer dans un projet qui reste entouré de complexités juridiques et financières. Le défi consiste à restaurer la confiance des investisseurs tout en naviguant à travers les ramifications légales laissées par des années de litiges.
En attendant, l’Exécutif doit composer avec cette épine persistante, tout en cherchant des solutions durables pour garantir l’approvisionnement énergétique du pays et réduire sa dépendance aux importations. La question de la SAMIR s’inscrit désormais comme un défi majeur dans l’agenda économique et stratégique du Royaume.
Enjeux et perspectives socio-économiques
La fermeture prolongée de la SAMIR a laissé un impact profond sur la population locale et l’économie régionale. Mohammedia, autrefois connue pour sa contribution significative à l’économie nationale grâce à sa raffinerie, justement, a vu son tissu socio-économique se fragiliser.
Des milliers d’emplois ont été perdus, entraînant une hausse du chômage et une pression accrue sur les services sociaux de la ville. Le redémarrage potentiel de la SAMIR pourrait réduire cette pression, mais également réinsuffler un dynamisme économique dans la région.
Un autre point crucial est la capacité de la SAMIR à atténuer la dépendance aux importations pétrolières. Une reprise des activités de la raffinerie stabiliserait les prix énergétiques sur le marché national, offrant ainsi un soulagement bienvenu aux consommateurs marocains, particulièrement dans un contexte de « volatilé » internationale. L’impact sur le pouvoir d’achat des ménages pourrait être notable, en contribuant à modérer l’inflation et en renforçant la résilience économique du pays.
L’affaire de la SAMIR reste un dossier emblématique, symbole des défis économiques et stratégiques du Maroc. L’avenir de la raffinerie, et avec elle la stabilité énergétique du Maroc, est un enjeu complexe dont l’issue souhaitée, pour l’heure, reste encore à écrire.