Paris et Berlin veulent réviser l’accord UE-Canada

All the versions of this article: [English] [français]

EurActiv.fr | 26.01.2015

Paris et Berlin veulent réviser l’accord UE-Canada

Cécile Barbière

La France et l’Allemagne veulent modifier la clause de règlement des différends entre investisseurs et Etats de l’accord commercial UE-Canada, dont les négociations sont pourtant terminées depuis octobre 2013.

Si l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis est encore en négociation, celui qui devrait lier l’UE et le Canada fait déjà l’objet d’un accord politique. Enfin en théorie. Car la France comme l’Allemagne songent à revoir son contenu. Il contient en effet un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États que les deux pays veulent modifier.

Le 21 janvier, le secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl est allé rencontrer à Berlin Sigmar Gabriel, ministre l’Economie et Matthias Machnig, secrétaire fédéral aux affaires économiques.

Déclaration commune

Dans une déclaration commune, les ministres des deux pays ont appelé la Commission et les États membres à examiner « toutes les options de modifications » de la clause d’arbitrage au sein de l’accord avec le Canada.

La demande de Paris et de Berlin a fait suite à la publication par la Commission européenne des résultats de la consultation publique sur la clause de règlement des différends (RDIE) au sein du traité transatlantique (TTIP).

Cette consultation a permis de récolter quelque 150 000 avis, dont une très large majorité s’oppose à au mécanisme du RDIE, censé protéger les investissements en proposant un recours à des tribunaux d’arbitrage en cas de conflit entre une entreprise privée et un État.

Une levée de bouclier relevé par les ministres franco-allemands, qui souligne « la nécessité d’apporter des réponses aux préoccupations exprimées » dans le cadre de la consultation.

« Je prends la mesure de cette déclaration, mais ils ne sont pas allés assez loin. Il faut que les États membres entendent que les citoyens européens ne veulent pas seulement une modification à la marge de l’arbitrage, mais une suppression du dispositif » a réagi Yannick Jadot, eurodéputé Vert.

Opposition

Si l’opposition de la France et de l’Allemagne à la clause d’arbitrage n’est pas nouvelle, l’appel lancé par les deux pays à rouvrir le dossier dans le cadre de l’accord avec le Canada l’est.

« Ce qui est important, c’est que pour la première fois les Allemands acceptent de faire le lien sur l’arbitrage au sein du CETA et du TTIP » se félicite une source au ministère des Affaires étrangères.

Entamées en mai 2009, les négociations sur l’Accord économique et commercial global (CETA) entre l’UE et le Canada se sont en effet conclues en octobre 2013.

Suite à cet accord politique passé entre le gouvernement canadien et la Commission européenne, mandatée par les vingt –huit États membres, le processus de ratification devrait commencer au cours du premier semestre 2015.

Mais si l’étape de la négociation est terminée, l’accord n’est pas ratifié. « La Commission considère que les négociations sont conclues, mais les États membres peuvent parfaitement dire qu’ils n’en sont pas satisfaits » a souligné Yannick Jadot, porte-parole des Verts sur le TTIP au Parlement européen.

La remise en cause de l’arbitrage au sein de l’accord du CETA, si elle intervient tardivement dans le processus de négociation, fait écho aux négociations avec les États unis sur le traité transatlantique (TTIP), qui achoppent sur le même problème.

Et pour cause, le principe des tribunaux d’arbitrage s’il est acté dans le cadre de l’accord avec le Canada serait de facto signé avec les États-Unis.

« Les grandes entreprises américaines ont toutes des filiales au Canada. Instaurez le mécanisme d’arbitrage avec un grand pays développé, et il deviendra la norme » prévient Yannick Jadot.

Du côté canadien, la clause de règlement des différends fait partie de l’accord négocié, et semble non négociable pour Ottawa.

« Le Canada et l’UE ont négocié un accord ambitieux, équilibré et bénéfique pour les deux parties qui inclue le RDIE et nous restons mobilisés pour mettre en vigueur le plus rapidement possible le CETA » a précisé un porte-parole du gouvernement canadien à EurActiv.

L’appel de la France et de l’Allemagne n’a pour l’heure pas provoqué de réaction de la part de la Commission européenne, dont le mandat de négociation avec les États-Unis pourrait se trouver affaibli par ce rétropédalage avec le Canada.

Résistance parlementaire

Le processus de ratification s’annonce par ailleurs problématique. En effet, au Parlement européen, l’opposition est forte, et la majorité incertaine pour ratifier l’accord.

« En France et en Allemagne, il n’existe pas de majorité pour ratifier la clause d’arbitrage prévue au sein du CETA en l’état » avait également prévenu Matthias Fekl plus tôt dans le mois.

Objectif, formuler des propositions pour rouvrir le débat au cours du premier semestre 2015 afin de réformer la clause d’arbitrage.

source: EurActiv