Investissement

La croissance exponentielle du nombre d’accords internationaux d’investissement constitue un des événements majeurs en matière de droit international de ces dernières années. Ces accords sont conclus entre pays sur des questions concernant la protection des investissements transfrontaliers, leur promotion et leur libéralisation. Les deux types d’accords les plus communs sont les traités bilatéraux d’investissements (TBI) et les accords de libre-échange (ALE) contenant des chapitres sur les investissements.

La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) définit les TBI comme des accords entre deux pays en vue de la protection, la promotion et l’encouragement réciproques des investissements effectués dans l’un ou l’autre territoire, par des compagnies de l’un ou l’autre pays. Les Etats signataires d’un TBI s’engagent à suivre des standards spécifiques sur le traitement des investissements étrangers sur leur territoire. Si un de ces engagements n’est pas respecté, les TBI prévoient des mécanismes approfondis de règlement des conflits.

Les TBI sont devenus la source principale de droit relatif aux investissements internationaux, en vue de la protection et de la promotion des flux d’investissements transfrontaliers. Le premier TBI a été signé en 1959 entre l’Allemagne et le Pakistan. Aujourd’hui, il en existe plus de trois mille à travers le monde, la majorité ayant été signée après 1990. Quasiment tous les Etats ont signé au moins un TBI.

Ces traités prennent racine dans la volonté des pays développés exportant leurs capitaux, de protéger les investisseurs et leurs investissements dans les pays en voie de développement important des capitaux. Mais les intérêts sous-jacents et les rapports de force ont considérablement changé ces dernières années du fait de l’augmentation des investissements directs étrangers dans l’axe sud-sud. Nombre de pays en voie de développement, notamment les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), investissent de plus en plus à l’étranger. Le nombre de TBI entre pays en voie de développement a considérablement augmenté depuis 2004. Le cadre des flux d’investissements mondiaux étant en pleine transformation, le panorama des TBI est en train d’évoluer rapidement.

Paradoxalement, le régime actuel des TBI semble être à un tournant, malgré la prolifération rapide des traités ces dernières années. Des signes d’appréhension se multiplient sans cesse dans de nombreux pays et régions. Dans une large mesure, ce malaise provient du recours fréquent au mécanisme de règlement des différends entre investisseur et Etat (RDIE, ou plus communément, ISDS, selon son sigle anglais), système qui permet aux investisseurs d’engager directement une procédure judiciaire contre un Etat où ils ont effectué leur investissement devant un tribunal arbitral, en cas d’infraction présumée aux clauses du traité.

Le nombre croissant de poursuites d’investisseurs contre des Etats souverains, qui ont remis en cause un large éventail de décisions d’ordre public et de régulations, a suscité une grande inquiétude sur les coûts potentiels émanant des traités d’investissement. Des termes vagues (tels que le « traitement juste et équitable », l’ « expropriation indirecte » et la « clause parapluie ») et d’autres ambiguïtés peuvent conduire à des interprétations très généreuses de la part des tribunaux arbitraux, engendrant d’importantes demandes financières des investisseurs étrangers, ainsi qu’une restriction excessive du droit à réglementer, sous la forme de « gel réglementaire ». Le risque de gel réglementaire a été démontré maintes fois, un grand ensemble de régulations mesures politiques ayant été récemment remises en cause par des investisseurs étrangers (comme, par exemple, des mesures fiscales, les paquets de cigarettes neutres et l’évacuation de déchets toxiques).

Le recours grandissant au mécanisme de l’ISDS met aussi en lumière le manque d’équilibre entre les droits publics et les intérêts privés issus des TBI. Le régime actuel des TBI a ainsi montré ses limites concernant l’équilibre entre droits et responsabilités des investisseurs étrangers. Il accorde de nombreuses garanties juridiques pour les investisseurs sans exiger qu’ils agissent de manière responsable en contrepartie. Les milieux politiques et universitaires ont donc soulevé des questions légitimes sur les coûts et les procédures d’arbitrage, les larges interprétations des tribunaux arbitraux et le manque de cohérence entre les décisions arbitrales.

Les pays développés et en voie de développement prennent aujourd’hui beaucoup plus en considération l’étendue de leurs obligations issues des traités d’investissement et, maintenant plus que jamais, aspirent à un meilleur équilibre entre les droits des investisseurs et leur droit à réguler pour l’intérêt public. Le régime des TBI actuel est perçu comme de plus en plus inapproprié pour s’attaquer aux défis émergents de développement, sociaux, économiques, environnementaux, tant au niveau national que mondial.

En outre, peu de d’indices attestent que les TBI seuls engendrent une augmentation des flux d’investissement. Au mieux, les TBI pourraient constituer un facteur, parmi beaucoup d’autres, visant la mise en place d’un climat d’investissement favorable pour les investisseurs étrangers, dans un pays où ils se sont engagés.

Par conséquent, de nombreux pays révisent leur programme de TBI depuis les années 2000. Certains Etats clarifient le langage utilisé dans les TBI, afin d’apporter cohérence et uniformité quant aux interprétations des traités, alors que d’autres résilient leurs traités existants, en raison de l’indignation publique que génèrent les demandes d’arbitrage des investisseurs étrangers s’élevant à des milliards de dollars de compensation pour des violations présumées de TBI.

La marche arrière de ces pays concernant les TBI constitue un fait essentiel et devrait être analysé dans le contexte plus large des tentatives effectuées par d’autres pays pour réviser leur régime de TBI et explorer des politiques innovatrices afin d’aborder les problèmes posés par le régime actuel de TBI, ainsi que pour améliorer la gouvernance des flux d’investissements transfrontaliers.

Contribution de Kavaljit Singh (Madhyam) et de Burghard Ilge (Both Ends). Extrait de Rethinking bilateral investment treaties.

dernière mise à jour : mars 2017

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Informations complémentaires :

Photo : Transnational Institute


The National | 15-avr-2024
It is presumed the claim is on the basis of the bilateral investment treaty between Libya and Belgium.
Global Justice Now | 12-avr-2024
The Secret World of Investor Courts is a podcast made by the Global Justice Now Youth Network, exploring corporate power, colonialism and climate justice.
Ukrinform | 12-avr-2024
The updated Canada-Ukraine Free Trade Agreement includes special new chapters on cross-border trade in services, financial services, investment.
EJIL:Talk ! | 12-avr-2024
A documentary film offers a powerful illustration of the ways in which ISDS can impact third parties, exacerbate inequalities, and reinforce power imbalances.
Zone Bourse | 12-avr-2024
Le groupe minier australien Berkeley Energia va porter son différend avec l’Espagne devant un tribunal d’arbitrage international après que le pays a refusé de donner son approbation finale à une mine d’uranium près de la ville de Salamanque.
Mining.com | 12-avr-2024
Australian mining group Berkeley Energia will take its dispute with Spain to international arbitration after the country refused to give final approval to a uranium mine near the city of Salamanca.