Le Canada ne doit pas mettre en œuvre l’accord de libre-échange avec l’Équateur, selon des organisations de la société civile

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CCPA | 6 juin 2025

Le très honorable Mark Carney
Premier ministre du Canada
Cabinet du premier ministre
80, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A2

CC:
L’honorable Maninder Sidhu, ministre du Commerce international
L’honorable Anita Anand, ministre des Affaires étrangères

Monsieur le Premier Ministre Mark Carney,
Re: Une réinitialisation est nécessaire pour garantir que l’accord commercial entre le Canada
et l’Équateur soit conforme aux promesses faites de donner la priorité à la protection des
droits humains et de l’environnement.

Veuillez accepter nos félicitations pour votre récente victoire électorale et votre nomination au
poste de premier ministre du Canada.

Nous traversons une période difficile et risquée. Nous respectons votre engagement de mettre
en place des relations étrangères canadiennes fondées sur des principes plus justes et à tenir
tête aux menaces des États-Unis. Nous sommes tout à fait d’accord avec vous pour dire que
nous vivons un moment charnière, marqué par des défis extrêmement dangereux pour la paix,
la sécurité, la démocratie, l’État de droit, les droits humains et un environnement sain, tant au
pays qu’à l’étranger.

Nous partageons votre espoir que le Canada puisse jouer un rôle constructif et potentiellement
transformateur sur la scène internationale, afin de rencontrer les nations souveraines sur un
pied d’égalité et de conclure des accords qui garantissent les droits civils, politiques, sociaux,
économiques et environnementaux dans tous les pays.

Nous sommes du même avis que vous : le Canada doit diversifier ses partenariats commerciaux
pour se protéger des risques émanant de la Maison-Blanche. La réinitialisation dont nous avons
besoin doit garantir que tout nouvel accord commercial fasse l’objet d’une diligence
raisonnable, conformément aux normes et recommandations des Nations unies, afin d’assurer
le plein respect des obligations en matière de droits humains, y compris les droits et la
souveraineté des peuples autochtones et le droit à un environnement sain.

Le Canada doit renforcer et étendre significativement son programme commercial inclusif, au
lieu de le mettre de côté au profit d’accords commerciaux de dernière génération qui servent
des intérêts politiques à court terme.

Voilà pourquoi nous vous prions de ne pas ratifier l’entente de libre-échange controversée
négociée en 2024 par le gouvernement Trudeau avec l’Équateur, qui vise à accroître les
investissements miniers canadiens dans ce pays andin. Les organisations autochtones et
environnementales ont exprimé leur profonde inquiétude par rapport à l’aggravation de la
situation déjà désastreuse des droits humains ainsi qu’à la menace pour les zones
écologiquement sensibles du pays.

En octobre 2024, nos organisations ont accueilli au Canada des dirigeantes d’organisations
autochtones et environnementales de l’Équateur qui ont rencontré des représentants du
gouvernement et des députés afin de partager des témoignages troublants sur les violations
des droits humains liées aux projets miniers canadiens. Ils ont décrit les répercussions des
investissements canadiens sur le genre, le mépris des garanties constitutionnelles par les
responsables équatoriens et les entreprises privées, ainsi que les manquements à l’obligation
de diligence raisonnable, qui ont des conséquences énormes pour l’Amazonie, d’autres sources
d’eau précieuses et les communautés qui en dépendent. Les dirigeantes ont appelé le Canada à
ne signer aucun accord sans le consentement libre, préalable et éclairé des peuples
autochtones d’Équateur, une recommandation également formulée par la commission du
commerce de la Chambre des communes dans son rapport de juin 2024 au gouvernement
Trudeau.

Malgré cela, aucune consultation n’a été réalisée avec les organisations représentant les
peuples autochtones concernés en Équateur, et leur consentement préalable n’a pas été
recueilli.

Les défenseuses équatoriennes ont également exprimé leur profonde préoccupation face à la
volonté des gouvernements canadien et équatorien d’inclure des dispositions relatives au
règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dans l’accord de libre-échange,
alors qu’une large majorité d’Équatoriens s’est prononcée lors d’un référendum en avril 2024
en faveur du maintien de l’inconstitutionnalité du RDIE dans leur pays. Les rapports des Nations
unies mettent en garde contre les conséquences catastrophiques du RDIE pour les droits
humains et l’environnement.

En octobre 2024, les dirigeants.es de six syndicats canadiens ont envoyé une lettre conjointe
très ferme à l’ancien Premier ministre Trudeau. Ils demandaient l’arrêt des négociations de
libre-échange et la protection des droits:

Nous vous demandons de reconsidérer cet accord commercial en donnant la priorité à la
protection des droits humains, à la durabilité environnementale et aux droits des peuples
autochtones. Il doit y avoir un processus transparent et inclusif qui respecte les voix et les
préoccupations des personnes les plus touchées, y compris les communautés
autochtones d’Équateur qui résistent depuis longtemps aux pratiques extractives
néfastes.

Il est important de noter que l’Alliance pour les droits de la personne en Équateur, une coalition
d’organisations respectées de défense des droits humains et de l’environnement, a attiré
l’attention sur les négociations commerciales entre le Canada et l’Équateur en soulignant le
caractère inquiétant de leur secret. Le gouvernement du président Daniel Noboa a violé
l’accord d’Escazú en prenant des mesures pour empêcher l’accès à l’information des peuples
autochtones, des paysans, des Afro-Équatoriens, des femmes, des syndicats, des défenseurs-e-s
de l’environnement et des droits humains, ainsi que d’autres citoyens.

Tout aussi inquiétant, le gouvernement Noboa a déployé l’armée dans les communautés qui
dénoncent les effets négatifs des projets miniers canadiens. De plus, le président a émis des
décrets exécutifs visant à limiter le droit de participation aux processus décisionnels en matière
d’environnement, en violation des normes internationales. Depuis 2023, plus de cent
défenseurs-e-s de l’environnement ont été criminalisés-es pour avoir manifesté pacifiquement
contre les projets miniers canadiens dans le pays. La famille du président Noboa a tout à gagner
de l’ouverture de l’Amazonie à l’expansion de l’exploitation minière, ce qui suscite des
accusations de conflit d’intérêts en Équateur.

Compte tenu de ces réalités, nous sommes persuadés que la réforme que vous avez promise
comme étant nécessaire amènera une révision des négociations commerciales entre le Canada
et l’Équateur. Au minimum, aucun accord ne devrait être conclu sans une consultation
significative et le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones concernés.
Il
doit également exister au Canada des mécanismes législatifs permettant de tenir les entreprises
canadiennes responsables des violations des droits humains. Enfin, l’accord ne doit inclure
aucun mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), car celui-ci a
été rejeté par le peuple équatorien.

Nous serions heureux-se de pouvoir discuter de ces questions urgentes avec vous et vos
ministres dans les plus brefs délais.

Cordialement,
1. Americas Policy Group (APG) / Groupe d’orientation politique pour les Amériques
2. Alternatives International
3. L’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
4. Atlantic Regional Solidarity Network (ARSN)
5. Attac Québec
6. Canadian Center for Policy Alternatives (CCPA)
7. Canadian Labour Congress
8. Canadian Union of Public Employees (CUPE)
9. Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
10. Codevelopment Canada
11. Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
12. Common Frontiers
13. Conseil central du Montréal métropolitain - CSN
14. Grandmothers Advocacy Network
15. KAIROS: Canadian Ecumenical Justice Initiatives
16. Le Groupe de Recherche Interdisciplinaire sur les Territoires d’Extractivisme (GRITE)
17. Journal des Alternatives
18. Le Lagopède
19. Maquila Solidarity Network (MSN)
20. Mining Injustice Solidarity Network (MISN)
21. MiningWatch Canada
22. National Union of Public and General Employees (NUPGE)
23. Observatoire violence, criminalisation et démocratie
24. Public Service Alliance of Canada (PSAC)
25. Réseau internationale pour l’innovation sociale et écologique
26. Trade Justice Group of the Council of Canadians
27. Trade Justice Network
28. United Steelworkers
29. UNIFOR

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